Tout plutôt qu’un vrai boulot — Tex Cobb (42-7-1)

Culture Boxe

Roberto Manos de Piedra Duran a l’un des parcours les plus baroques de l’histoire du noble art.

Cireur de chaussures dans les bidonvilles qui entourent Panama City, il enfile ses premiers gants à l’âge de huit ans.

Trente ans plus tard, il décroche le Graal, un titre de champion du monde dans une quatrième catégorie, et renforce son statut de plus grand poids léger du XXe siècle.

Duran est un puncheur né et, sous la coupe de Ray Arcel et de Freddie Brown, deux reliques des années 50 qui ont servi dans le coin de Joe Louis et de Rocky Marciano, il apprend à boxer intelligemment sans pour autant brimer son incroyable férocité.

El mas macho !

En 1972, à 21 ans, il devient champion du monde des légers en arrêtant Ken Buchanan au 13e. Ce premier coup d’éclat marque le début de la légende noire de Duran, accusé par le vaincu de l’avoir frappé sous la ceinture après la cloche.

Duran s’en fiche comme de sa première chemise et son règne sur les légers dure plus de six ans. Monté de catégorie pour trouver de nouveaux défis à sa mesure, il continue à déchaîner les passions. Fanatiques et détracteurs en conviennent : il est l’incarnation du machismo !

Duran fait peur : une légende raconte qu’il a mis KO un cheval d’un seul coup de poing et, avec sa barbichette, ses cheveux brillants et son regard de braise, il n’est pas sans rappeler l’inquiétant Charles Manson.

Son double affrontement contre Sugar Ray Leonard entretient le mythe. En juin 1980, déjouant tous les pronostics, il parvient à le battre et à s’adjuger sa ceinture de champion du monde des welters. La victoire de Duran, poids léger, sur le champion des welters et meilleur boxeur toutes catégories, secoue le microcosme qui qualifie immédiatement l’exploit d’anomalie historique.

Plus dure sera la chute

Cinq mois plus tard, Duran abandonne au 8e round de la revanche en déclarant : « No quiero pelear con el payaso » (« Je ne veux plus combattre contre ce clown »). Dépités, ses entraîneurs le quittent et le paria se réfugie à Miami pour fuir la colère de ses compatriotes.

Malgré tout, Duran remonte la pente. En 1983, il bat l’invaincu Davey Moore et remporte la ceinture WBA des super welters. Après les légers et les welters, il domine une troisième catégorie. Il a pris l’habitude de combattre contre bien plus lourd que lui et cinq mois plus tard, il ferraille pendant 15 rounds avec Marvin Marvelous Hagler pour une glorieuse défaite.

Celle que lui inflige Thomas Hearns l’année suivante l’est moins. KO au bout de deux rounds, Duran, qui ne s’est quasiment pas entraîné, déclare à propos du crochet droit qui l’a mis hors-jeu : « Il a secoué tout l’alcool, toutes les femmes et j’ai mordu la poussière. »

La quatrième couronne

Cinq ans plus tard, Roberto Duran dispute à 37 ans, dont 21 sur les rings professionnels, son 92e combat. Face à lui, Iran Barkley, le champion du monde des moyens. Barkley est dans la fleur de l’âge et domine le panaméen d’environ 15 cm (1m85 contre 1m70). Les bookmakers le donnent largement favori.

L’avant-match est particulièrement tendu. Six ans plus tôt, Duran a brutalement vaincu Davey Moore dont Barkley était l’ami proche. Moore est mort quelques mois plus tard dans un tragique accident et Barkley, qui lui dédie ce combat, réclame vengeance.

Duran, impassible : « C’est son problème, pas le mien. »

Lorsque les deux hommes s’avancent vers le ring d’Atlantic City, le 24 février 1989, des furieux « Duran Duran » descendent des travées populaires où se sont massés les supporters panaméens.

Le spectacle est au rendez-vous. Dès le premier round le Goliath américain est ébranlé par le punch de Duran. Lors des rounds suivants, Barkley éprouve à son tour Duran en le travaillant au corps. Un crochet du gauche déséquilibre le panaméen qui tient à l’expérience. Il est au bord de la rupture. A la fin du septième round, il toise pourtant son adversaire comme s’il lui demandait : c’est tout ?.

L’affrontement est épique. Duran reprend le dessus et parvient à mettre son rival sur les fesses au 11e round d’un gauche-droite-gauche-droite d’école. Le 12e et dernier round est une torture pour l’américain.

Duran triomphe et remporte une quatrième couronne.

Y ahora, quien es el mas macho ?

https://www.youtube.com/watch?v=knjh-ucbrKg

NZ

Le jour où Roberto Duran devint une légende