Un trou dans le ciel, aux – joliment nommées – éditions Inculte, est le premier roman de Philippe Aronson. C’est le récit à la première personne de la vie du premier champion de boxe poids lourds afro-américain Jack Johnson. En 1946, Johnson a soixante-huit ans. Il gagne sa vie en présentant au public noir le film de sa victoire de 1910 contre Jim Jeffries, champion de l’establishment blanc, remonté sur le ring pour rétablir l’honneur des WASPs. L’une des confrontations les plus importantes de l’histoire de ce sport.
Le roman alterne des séquences brèves d’une journée de l’année 46 et des épisodes les plus marquants de la vie de Johnson, gamin pauvre de Galveston (Texas) devenu star des rings et des nuits de Chicago, puis condamné à l’exil et à un an de prison. Dans ce livre très court, Aronson s’attarde moins sur la boxe ou son arrière-plan historique et racial que sur Johnson lui-même, et s’attache à donner une voix singulière à ce personnage hautement romanesque, sybarite et libertaire, athée mélomane et admirateur d’Alexandre Dumas, individualiste forcené qui appelait son propre sexe « l’affreux phacochère » et dut composer avec sa négritude sans jamais vouloir en faire un combat politique.
Johnson n’était ni le « bon noir » incarné après lui par Joe Louis, véritable instrument de propagande de l’État américain, ni la figure universelle de l’émancipation que devint Muhammad Ali. Il voulait juste être Jack Johnson, amoureux des Années folles et des femmes blanches, de Paris, des costards impeccables et de sa mère née esclave. C’est aussi parce que la boxe nous a offert un Jack Johnson qu’elle est le plus beau des sports. Puisse Philippe Aronson reprendre la plume pour d’autres boxeurs tout aussi inspirants que « le géant de Galveston ».