« La grande santé » n’est pas le titre d’une nouvelle d’Hemingway. C’est plutôt une idée qui traverse toute son œuvre. En particulier quand il y est question de boxe.
Au fond, qu’est-ce que la boxe pour Hemingway ? Une preuve de fraternité, de confiance et d’estime. Papa aimait boxer avec ses amis. C’est également une tentative de dépassement de soi, une activité propice à la mise à l’épreuve de son propre courage. Comme la guerre, la chasse ou la corrida. C’est, enfin, une armure entre le monde et soi, entre les autres et soi.
Prenons le cas de Robert Cohn, dans Le soleil se lève aussi, un « gentil garçon, cordial et très timide (…) (qui) réagit en boxant », jusqu’à devenir champion des moyens de l’Université de Princeton.
Il éprouvait une sorte d’intime réconfort à l’idée qu’il pourrait descendre tous ceux qui le traiteraient avec impertinence, bien que, étant très timide et foncièrement bon garçon, il n’eût boxé qu’au gymnase.
Plus tard, lassé de Frances, qui désire l’épouser, Cohn revient à la boxe :
Il lut beaucoup de livres, joua au bridge, joua au tennis et boxa dans un gymnase de quartier.
La boxe, c’est l’entrain et la santé. Et donc le meilleur remède aux passions viles et aux déchirements sentimentaux.
Les personnages d’Hemingway sont en pleine forme, de bonne humeur. La boxe soulève leur enthousiasme. La preuve avec Bill Gorton, dans Le soleil se lève aussi :
Il était très gai et disait que les Etats-Unis étaient épatants. New York était épatant. Il y avait eu une excellente saison théâtrale et toute une floraison de remarquables jeunes poids mi-lourds. On pouvait espérer de chacun d’eux qu’il grandirait, engraisserait et battrait Dempsey. Bill était très heureux.
La boxe, une activité suprêmement américaine ? Disons qu’en 1926, quand Hemingway publie Le soleil se lève aussi, elle exprime l’éclat de rire et l’éclatante santé des vigoureux pionniers de l’Ouest, par opposition aux pâles dandys du Vieux Continent.
Dans Les boxeurs et les dieux, Jean Besse explique :
Hemingway joue une forte carte, celle de l’entrain, de la bonne humeur et du coup de poing franc et dur, à une époque encore embrumée par les finesses psychologiques d’un Paul Bourget ou la métaphysique cloîtrée d’un Proust.
« Marcel Cerdan contre Marcel Proust », en somme.
NZ