Une simple histoire de putain. La lumière du monde figure en bonne place dans le recueil Le vainqueur ne gagne rien publié par Ernest Hemingway en octobre 1933. Avec un tel titre, il allait forcément être question de boxe. D’autant que les plus vieux sport et métier du monde font généralement bon ménage.
Devant le guichet fermé d’une gare miteuse, deux amis, Tom et le narrateur, trompent l’ennui en bavardant avec trois putains. Pas de toute première fraîcheur :
« Une des putains éclata d’un rire bruyant. C’était la putain la plus volumineuse et la plus grosse femme que j’eusse vue de ma vie. (…) Elles avaient toutes trois ces mêmes robes de soie aux couleurs chatoyantes. Elles étaient assises côte à côte sur le banc. Elles étaient énormes. »
L’assemblée compte aussi quelques types mutiques et un cuisiner qui échange des amabilités avec Tom. Il se rend à Cadillac. Cadillac, le pays de Steve Ketchel, champion des légers de 1910 à 1912. A ne pas confondre avec Stanley Ketchel, champion des mi-lourds de 1907 à 1910.
L’une des putains l’a bien connu, Steve : « Le seul homme que j’aie jamais aimé ». Du moins c’est ce qu’elle prétend. Même qu’elle ne l’a pas épousé pour ne pas entraver sa carrière. C’est souvent comme ça avec les boxeurs. La belle affaire. Elle est persuadée que Jack Johnson l’a envoyé au tapis car il s’est retourné pour lui sourire en plein combat. Hemingway ne le dit pas, fameux iceberg, mais c’est Stanley qui s’est fait étaler par Jack.
Quoi qu’il en soit, Alice, la putain la plus grosse, ne l’entend pas de cette oreille. C’est elle qui a connu Steve. A l’époque, il lui aurait dit : « Tu es un beau petit lot, Alice ».
Et les deux femmes d’échanger une volée d’injures. Dans le vent. Steve Ketchel (ou Stanley, peu importe. D’ailleurs Stanley n’était-il pas surnommé « Steve » ?) a passé l’arme à gauche depuis belle lurette.
Il ne reste que des souvenirs. C’est souvent comme ça quand un boxeur rencontre une putain.
NZ