Au 13, rue de la Grange aux Belles, dans le 10e arrondissement de la capitale, on peut pousser la porte du Battling Club. Sourires plastiques à l’entrée, l’espace sportif s’étire dans une déco branchée où s’entassent des appareils de muscu, des sacs de frappe et des tatamis… le tout peuplé de coachs bodybuildés dont les muscles, en l’absence de clients matinaux, poussent des aspirateurs. A l’étage, entre les deux rings et le bar – on imagine les rounds se terminer autour d’une flûte de champagne, une vraie salle de durs – un maigre espace est aménagé pour la conférence de presse de Jean-Marc Mormeck à laquelle Cultureboxe a été invité par Orange Sport.
Il n’y a encore aucun journaliste mais déjà, ponctuels, j’aperçois les deux champions de boxe thaï, Farid Vuillaume et Dida, maintenant consultant pour Orange Sport. En pleine discussion, les deux amis s’installent tout de même face à l’écran qui trône dans un coin et diffuse un programme envoûtant : le dernier combat de Manny Pacquiao ! Magique. Scotché par ce spectacle que j’ai pourtant déjà admiré, je remarque que tous les nouveaux venus s’imposent une révérence à la démonstration du boxeur philippin avant de vaquer à leurs parades mondaines.
Vers 11h15, un homme à la stature herculéenne finit de grimper les escaliers qui mènent à la petite réunion médiatique. Jean-Marc se dirige spontanément vers les sacs de frappe avant même de saluer l’assemblé, il les tâte du bout du poing puis consent à entrer dans son rôle de produit marketing. Timide, il slalome poliment entre les poignées de main, échange quelques civilités mais s’échappe presque aussitôt en s’asseyant à l’écart du bar… devant le combat de Pacquiao. Il tourne alors le dos à tout le monde, son quintal posé le plus près possible de l’écran, les yeux écarquillés en goûtant le génie de Manny.
Quelques instants plus tard, la conférence commence par un discours du représentant d’Orange Sport. La chaîne veut s’emparer du créneau « sport de combat » en France, profitant du vide laissé par la concurrence. Après la diffusion de la réunion du 17 Décembre dernier, la chaîne espère faire du poids lourd français la tête de pont de son opération séduction en direction des fans de baston. En plus de retransmettre son prochain combat, Orange Sport prépare un documentaire intime sur le champion et l’engage comme commentateur, notamment ce soir pour la rencontre Haye VS Ruiz. On nous propose un aperçu du documentaire, des images de son dernier combat et de son entraînement actuel : « Mormeck n’est pas au sommet », lâche sèchement le commentateur. Le concerné ne peut retenir un large sourire.
On l’invite alors à prendre la parole à propos de son prochain challenge, le 6 mai contre Fres Oquendo. Gêné, il commence par louer les qualités de son adversaire. 10e mondial, celui-ci a déjà disputé deux championnats du monde. « Ca sera un combat dur, c’est un vrai poids lourd ». Mais Mormeck est déjà prêt, à deux mois de l’évènement. Sa préparation ne connaît aucun accroc et il met régulièrement les gants, trois fois par semaine, enchaînant de 8 à 10 rounds en se servant de quatre sparrings. Rien à voir avec le pari précédent face à Vinny Madalone, où Mormeck revenait après sa blessure. Cette fois, il met les bouchées doubles, engagé dans une dynamique sérieuse, exigeante. Dida intervient : « C’est pas risqué de faire autant de sparring deux mois avant le combat ? Moi, je n’ai jamais fait 8 rounds aussi tôt dans une préparation. »
« J’en ai besoin, répond Mormeck, J’ai arrêté longtemps la boxe et pour moi c’est une assurance de réussir à faire autant de rounds. Je vais passer à 10/12 rounds. Je n’ai pas le droit à l’erreur, je dois me sentir bien ma tête et dans mon corps. »
On sent le mort de faim, la frustration du type qui veut prouver sa valeur après une longue absence et un premier combat sans couleur. Puis, Jean-Marc lâche enfin ce qu’il a sur le cœur : « Je veux être champion du monde, battre David Haye ! ». Pour le moment, il devra se contenter de l’observer depuis sa chaise de commentateur.
La conférence s’achève, les invités retournent à leur champagne et bavardent avec le fantasque Dida. Mormeck, discret malgré sa carrure de centaure, a retrouvé un coin où s’isoler. En passant, je lui souhaite bonne chance pour le combat et en profite pour gratter un autographe, normal. Un mec bien cool, pas fanfaron pour un sou : on aimerait le voir devenir féroce sur le ring en mai. Mais pour la ceinture mondiale prise à Haye, on reste un peu perplexe.
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