Voilà ce qui s’appelle une semaine épatante. Un traitement de faveur même pour l’amateur de boxe, plutôt habitué aux longues périodes de vaches maigres. Il faut dire qu’entre les retraites bien méritées des Bénichou, Tiozzo et Mormeck et l’éclosion de cette génération en or, il a fallu manger notre pain sec, à l’instar des rares boxeurs français qui tentaient tant bien que mal de tirer leur épingle du jeu.
Newfel Ouatah battu par Johann Duhaupas au terme d’un combat courageux s’est fendu d’une belle tirade sur le métier de boxeur qu’il a conclu avec philosophie : « On en bave, on gagne à être connu ». Alors tant mieux si les exploits olympiques de la Team Solide et le passage en pro réussi de ses têtes d’affiche Yoka, M’Bili et Cissokho profitent à certains durs à cuire qui n’attendaient que ça et qui l’ont bien mérité.
Jeudi soir, au palais des sports Marcel-Cerdan, l’expérimenté Robert Swierzbinski en a bavé lui aussi. Le Polonais (38 ans, 18 victoires, 2 nuls, désormais 7 défaites) était opposé à Christian « Solide » M’Bili. Le jeune français a rejoint la Team Yvon Michel à Montréal et il peut s’en féliciter. Là-bas, il côtoie des grands noms à l’entraînement, comme le Russe Artur Beterbiev, actuel champion IBF des mi-lourds. Et surtout, il boxe : 7 combats, 7 victoires par KO pour une première année professionnelle bien remplie. Le public de Levallois a découvert un boxeur au style parfaitement adapté aux joutes professionnelles. Poussé par ses entraîneurs canadiens, M’Bili n’a cessé d’avancer sur le solide Swierzbinski avant de le descendre d’un magnifique crochet du gauche au début du cinquième round, poussant l’arbitre à arrêter sagement les frais.
Deux jours plus tard, sur le ring de la Seine musicale, son ancien capitaine en équipe de France, Souleymane Cissokho, lui a parfaitement emboîté le pas. Opposé au rugueux Jose Manuel Clavero (33 ans, 12 victoires, désormais 12 défaites et un nul), il a bouclé l’année sur une quatrième victoire en autant de combats, toutes obtenues avant la limite. L’Espagnol refusant d’aller à terre, c’est l’arbitre qui a sifflé la fin des hostilités au septième round, après un magnifique triplé du bras arrière. Un sans-faute pour le boxeur du 19e arrondissement qui multiplie les aller-retours entre Paris et San Francisco (pour profiter des lumières du coach Virgil Hunter) tout en terminant un master à La Sorbonne. Avec, en prime, une justesse technique et une maturité assez soufflante.
Après deux combats peu convaincants contre Travis Clark et Jonathan Rice, certains voyaient déjà Tony Yoka acculé dans les cordes. Un jugement sévère : Yoka apprend son métier tout en boxant en tête d’affiche. La faute, si l’on peut dire, à sa médaille d’or olympique et au manque de réservoir de la boxe française. La surexposition est cruelle, parfois injuste. En moins d’un an, le boxeur a changé de boxe, de coach et de pays. Ce n’est pas rien à 25 ans. Samedi soir, il s’est rassuré en l’emportant par KO en moins de deux rounds devant le Belge Ali Baghouz (29 ans, 10 victoires, désormais 2 défaites et un nul). Son jab et son allonge supérieure ont fait le boulot. Et quelques droites de derrière les fagots ont conclu l’affaire de manière expéditive. 2018 sera sans doute une année de vérité avec davantage de combats et des adversaire plus durs.
Enfin, mention spéciale à Nordine Oubaali (31 ans, 13 victoires, dont 10 avant la limite) auteur d’un combat formidable contre le rugueux Philippin Mark Anthony Geraldo (26 ans, 45 combats, 34 victoires, 8 défaites, 3 nuls), électrisé sur un enchaînement uppercut-crochet à montrer dans toutes les écoles de boxe. Voilà un boxeur qui mérite une chance mondiale en 2018.
NZ