Le mercredi 3 mai, c’est au Bac 9, chez M’sieur José, qu’on fêtera la parution de Beauté du geste, le livre de Nicolas Zeisler. C’est là que Nicolas a boxé en rentrant du Mexique, où il avait vécu son premier match, et sa première défaite. Chez Monsieur José Chacon. Je ne sais pas pourquoi je l’appelle M’sieur José. Certainement un mélange de familière sympathie depuis la fin de notre première rencontre où il m’a gratifié d’une bonne petite droite bien placée sur l’épaule : « ça va être une belle soirée le 3, hein ma poule ? » (« OUI M’SIEUR JOSÉ ! ») et d’un profond respect pour l’immigré espagnol qui depuis 30 ans mène son ring avec passion et générosité.
A 12 ans déjà il voulait « boxer boxer boxer », mais la grand-mère n’aimait pas Franco, alors pas question d’adhérer à un club. La mère de M’sieur José partira d’abord seule en France, le reste de la famille suivra bientôt. Direction, le 9ème arrondissement de Paris où le Bac 9 siège aujoud’hui. « Je suis un enfant du 9ème ». Dans cet arrondissement à cette époque, « il n’y avait rien pour les jeunes, pas de parc, pas d’espace, rien ». Alors il apprend la boxe et donne des cours de boxe à Montmartre et Clignancourt au profit de la Croix Rouge. Et puis la mairie rachète un immeuble dans le quartier et décide d’en faire un gymnase : « Heureusement, on a pas eu encore droit à une maison de retraite, et je les ai emmerdés jusqu’à ce qu’il me donne la gestion de la salle qu’on a aujourd’hui. »
Les gamins de Clignancourt rameutent tous les copains de Bobigny, la ligne est directe, le Bac 9 entraîne ses premiers adhérents. Mancini Luigi, qui devient champion de France, « C’était un sacré cogneur, quand je l’emmenais à des galas de boxe, il mettait KO si vite qu’on me disait que c’était cher payé la minute. Ah oui, avec lui, on partait avec le soleil, on revenait avec le soleil ! ». Herbal Mohammed, « Mon plus gros frappeur », vice-champion de France.
Même la championne du monde de Kick boxing vient s’entraîner « à l’anglaise » au Bac 9. La boxe anglaise serait la base d’autres sports donc ? « Bah faut dire que ça fait mal ». On se renforce, on travaille ses appuis, les joueurs de foot le savent aussi. Dernier champion en date à avoir fait ses armes dans la salle : Souleymane Cissokho, médaillé de bronze aux derniers J.O en 2016. « Ils sont arrivés à 4 ou 5, une bande de gamins défavorisés, comme souvent. Je leur ai dit « Pas question que vos parents me tombent dessus, vous adhérez ok, mais je veux voir vos bulletins scolaires. Dis-toi que Souleymane a été le seul à m’amener tous ses bulletins. Et je lui ai dit un jour : ‘je ferai de toi un champion de France’ et c’est arrivé. C’est une de mes plus grandes fiertés. » Champion de France cadet : c’est la boxe à l’assaut, on gagne « à la touche », pas de coups de poings, et si le match devient trop violent, un arbitre peut pénaliser le joueur zélé. « On est humains, on va pas détruire nos jeunes. »
Au Bac 9, on peut s’entraîner à la boxe anglaise, la boxe française et la boxe thaï. Mais le coeur de M’sieur José va toujours à l’anglaise à qui il a dédié cinq entraîneurs. « Peut-être que le Bac 9 est moins renommé qu’avant, mais on a la plus belle salle et les meilleurs entraîneurs de Paris…. Je ne parle pas des salles de fitness (- Grimace indescriptible -) » Le fils Chacon partage les lieux et la passion du père, dans la perspective d’une reprise.
C’est l’heure de la photo souvenir. Pas moyen de prendre M’sieur José tout seul, toute la salle doit arrêter de s’entraîner pour poser : « Toi là, viens par là », « EHH MA POULE VIENS !! (C’est ma future championne de France mais elle s’entraine avec des machins dans les oreilles) ». J’hésite pour le cadre entre le ring et le mur où est inscrite la phrase de Mandela : « La plus belle victoire de l’homme n’est pas de ne jamais tomber, mais de se relever une fois tombé. » qui trône aussi au-dessus du bureau de M’sieur José, dans les vestiaires, et qui est le mantra de Nicolas Zeisler, et puis j’opte quand même pour le ring, parce que quand même, le ring.
On se quitte : « Tu sais, quand t’as la passion, tu vois pas la souffrance. » Parce que j’ai oublié de dire que tout ça, cette salle, l’équipement, c’est une bonne partie de la paie de plombier de M’sieur José qui l’a payé. Aujourd’hui, plus de 100 boxeurs, affiliés ou occasionnels s’entraînent au Bac 9, il y a les cotisations et un peu d’aide municipale.
« Allez ma petite gueule, on se rappelle vite pour installer l’exposition, ciao. »
Lucie Eple
PS : Monsieur José vous attend au BAC 9 le 3 mai à 19h. Plus d’infos ici.