Certes, le terme « gonzo » est sorti du bob de Hunter S. Thompson en 1970 alors que William Hazlitt a pondu Le combat en 1822 pour le New Monthly Magazine. Disons que le reportage sur la rencontre de bare-knuckle boxing entre William Neate et Thomas « le Gazier » Hickman auquel l’auteur a eu le bonheur d’assister le 11 décembre 1821 est une sorte de cri gonzo avant l’heure.
On parle ici de l’ancêtre de la boxe anglaise. Un sport pratiqué à mains nues. Une protoboxe régie par les règles du London Prize King, élaborées en 1743 par Jack Broughton et remplacées, plus d’un siècle plus tard, par celles du Marquis de Queensbury.
Pas de ring mais une pelouse dans un coin tranquille à la campagne. Et un cordon de spectateurs bien tuyautés pour entourer des boxeurs qui se battent jusqu’à ce que l’un d’eux tombe et ne se relève pas.
Hazlitt décrit un petit monde d’aficionados qui se retrouve généralement à la salle londonienne de Fives Court. Des aristocrates qui organisent, financent et parient sur des combats. Des fous de boxe qui entraînent et s’occupent de leurs boxeurs. Les boxeurs, parlons-en. Des durs, des coriaces, qui payent leur tribut à un sport cruel. Certains, les plus heureux, se reconvertissent en entraîneurs. D’autres ouvrent un bar, perdant bien souvent leur combat contre l’alcool. La majorité disparaît subitement de la circulation.
C’est peu dire que William Hazlitt a payé de sa personne pour que l’on puisse lire le récit du combat entre Hickman et Neate. Il lui a fallu enquêter pour connaître la date et le lieu du match, emprunter deux diligences, résister à la fatigue d’une nuit blanche, trouver un barbier pour afficher une mine présentable et marcher quinze kilomètres pour rejoindre Hungerford, la petite bourgade qui accueille l’évènement.
Le combat est un texte débordant de bonne humeur dans lequel l’auteur glisse du Shakespeare à la moindre occasion. Histoire d’élever le débat. Reste que le match tient toutes ses promesses. Les deux hommes débordent de courage. Et Hazlitt, lui-même, cogne pour défendre la boxe, ce spectacle qui captive la conscience.
Vous qui méprisez l’ART PUGILISTIQUE, faites quelque chose qui témoigne d’un tel cran ou d’un tel sang-froid avant d’affecter une supériorité dont vous n’avez jamais fourni la moindre preuve par un acte quelconque au cours de votre vie !
Quand le Gazier a repris connaissance, les premiers mots qu’il a prononcés ont été les suivants : « Où suis-je ? Que se passe-t-il ? – Il ne se passe rien, Tom ; tu as juste perdu la bataille, mais tu es l’homme le plus courageux au monde. »
Le combat – William Hazlitt, collection Quai Voltaire, La Table Ronde.
NZ