Ernest Hemingway, Norman Mailer, Jack London, Arthur Cravan, Joyce Carol Oates, Julio Cortazar… bon nombre d’écrivains ont relevé le gant. Pour vous, j’ai donc dépoussiéré le rayon préféré de ma bibliothèque. En vrac.
Alexis Philonenko, Histoire de la boxe
Alexis Philonenko est philosophe. C’est son métier. Sa passion ? La boxe. En son temps, il a payé son dû sur le ring et il s’en félicite :
J’ai, toute ma vie, cru devoir plaindre les hommes qui n’avaient pas pu, soit par faiblesse physique, soit par inaptitude mentale, franchir les cordes et monter sur le ring qu’on nomme parfois « le cercle enchanté ». Quels beaux souvenirs ! Je n’ai pas honte de l’avouer.
C’est donc en amoureux qu’il retrace l’aube de la boxe, la Belle Epoque, le temps des héros. On y croise les pionniers Jack Broughton, Daniel Mendoza, Bob Fitzimmons et J.J.Corbett. On assiste à l’avènement de Jack Johnson et à l’écroulement du mythe de la suprématie de l’homme blanc. On vibre avec Georges Carpentier au rythme des années folles. On apprécie la boxe scientifique de Gene Tunney. Tiens, voilà Max Baer, Max Schmeling, Joe Louis et ce géant aux pieds d’argile de Primo Carnera. Puis viennent Sugar Ray Robinson, l’artiste, et Jake LaMotta, le bûcheron. Sans oublier Marcel Cerdan. Un « naïf » selon maître Philonenko, mais qui aura fait vibrer la France comme personne. Dans le cœur de l’auteur, un homme occupe une place toute particulière : Mohamed Ali. D’ailleurs son Histoire de la boxe se conclut au huitième round d’un certain 30 octobre 1974 à Kinshasa. Philonenko est également l’auteur de Mohamed Ali, un destin américain. Un monument.
Joyce Carol Oates, De la Boxe
Joyce Carol Oates observe la boxe depuis l’adolescence. Elle a assisté à son premier combat dans les années 1950, avec son père : « Cela a touché quelque chose de très profond en moi. Il y a là un mystère à percer ».
Alors, dans De la Boxe, elle cherche, ausculte la boxe et les boxeurs. Les inconnus, ceux qui gagnent leur croûte en faisant office de sac de frappe humain, ou les champions.
Il y a Rocky Marciano et son style de vie monastique, la grâce de Mohamed Ali et la violence de Mike Tyson. Il y a aussi et surtout des histoires d’hommes disposés à tout pour aller au bout d’eux-mêmes : « La boxe est notre théâtre tragique. L’individu réduit à lui-même ». Puissant.
Loïc Wacquant, Corps et âme
Pour écrire Corps et âme, Loïc Wacquant a donné de sa personne. En août 1988, il s’inscrit dans un club de boxe du ghetto noir de Chicago. Il est novice. Il s’entraînera pendant trois ans, à raison de trois à six séances par semaine, jusqu’à disputer un combat officiel.
Son bouquin nous fait pénétrer dans le quotidien des boxeurs locaux. Chez eux, dans leur gymnase où se dessine en creux un portrait en négatif de la rue, mais aussi dans leurs corps et dans leurs têtes. Précieux.
Lire aussi : La salle de boxe par Loïc Wacquant
Jean-Paul Besse, Les Boxeurs et les Dieux
Dans son livre, sous-titré « L’esprit du ring dans l’art et la littérature », Jean-Paul Besse, historien et boxeur à ses heures perdues, fait défiler une belle brochette de monstres sacrés de la littérature. Homère qui déjà chantait les combats livrés à la mémoire de Patrocle. Jack London, entre énergie virile et sens de la camaraderie, dont les boxeurs sont un condensé de force et de vitalité. Hemingway qui joue la carte de coup de poing franc et de la bonne humeur, celle de Marcel Cerdan contre Marcel Proust. Albert Camus à Oran qui décrit le match amateur que livrent « ces dieux au front bas ». Montherlant, bien évidemment :
Il m’est arrivé, à certaines réunions de boxe, au côté d’un bon camarade, d’avoir tant de goût que je me disais : « Après ça, je peux mourir (…). Pour moi, que la civilisation s’engloutisse : si on donne encore, parmi les ruines fumantes, des combats de boxe et des courses de taureaux, je dirai que la vie est une riche affaire.
Sans oublier Jean Cau, à qui le livre est dédié, et qui ne manquait pas de lamenter l’agonie de la boxe. Il y a aussi Paul Morand, Jean Prévost, et bien d’autres encore. Bluffant.
Lire aussi : Jean Cau : les jeunes ne veulent plus prendre de coups
Jim Tully, Le Boxeur
Shane Rory, est un jeune vagabond dans l’Amérique du début du XXe siècle qui risque sa vie entre les cordes pour quelques dollars. Un personnage attachant inspiré par la propre expérience de l’auteur mais aussi par le parcours d’anciens champions comme Jack Dempsey. Avant de devenir une célébrité nationale dans les années 1920-1930, connu et reconnu pour ses talents de romancier, journaliste et son amitié avec Charlie Chaplin, Jim Tully a en effet bien roulé sa bosse sur la route et les rings. Suffisamment pour poser la question qui compte : comment vivre de ses poings quand on sait que tout peut s’arrêter en une seconde ? Il y répond dans un bouquin magistral qui annonce d’autres œuvres signées par d’anciens boxeurs comme Fat City de Leonard Gardner – dont le personnage principal s’appelle Tully – et la Brûlure des cordes de F. X. Toole. Et fait de lui « le chaînon manquant entre Jack London et Jack Kerouac ».
Lire aussi : Dur à cuire mais bon à lire : Le Boxeur de Jim Tully
Leonard Gardner, Fat City
Leonard Gardner, ancien boxeur amateur, n’a écrit que ce livre, récompensé du National Book Award, car « c’était la seule histoire (qu’il avait) à raconter ». Vraiment ? « Dans la vie on ne reste parfois champion du monde que le temps d’un combat ».
Pour moi, on tient-là le meilleur bouquin de fiction jamais écrit sur la boxe. Une histoire de perdants, évidemment.
Lire aussi : Préparez-vous à encaisser un violent direct au cœur avec Fat City de Leonard Gardner et Sur Fat City (John Huston, 1972)
Ernest Hemingway, Le Champion / Cinquante mille dollars
Papa a consacré plusieurs nouvelles à la boxe dont Le Champion et Cinquante mille dollars. D’autres figures de boxeurs pointent le bout de leur nez cassé ailleurs dans son œuvre. Par exemple, dans Le courant et La lumière du monde, mais aussi dans Le Soleil se lève aussi. La boxe, comme la pêche au gros, la chasse, la corrida ou la guerre est un moyen rudement efficace pour mettre son courage à l’épreuve.
Lire aussi : la série Papa, la boxe et moi et Hemingway, poing à la ligne
Jack London, Sur le ring / Lorsque l’homme frappe l’homme
Jack London boxait régulièrement sur le pont de son bateau, parfois avec son épouse, faute de sparring-partners. Il nous a laissé d’excellents reportages dont une pépite sur le combat Jack Johnson vs. Jim Jeffries publiée dans le recueil Lorsque l’homme frappe l’homme. London a également tombé quelques nouvelles sur son sport préféré. L’Enjeu et La brute, sont réunies dans le recueil Sur le ring. Le Mexicain et Un steak (dont Loïc Wacquant dit le plus grand bien) sont publiées individuellement aux éditions Libertalia (pas encore lus).
Lire aussi : The Game, une histoire de boxe par Jack London
Norman Mailer, Le Combat du siècle
En octobre 1974, Norman Mailer a couvert le match Ali vs. Foreman, titre des lourds en jeu. A la clé ? Des portraits hallucinés des deux combattants et de leur entourage. Sans oublier les descriptions de cette faune improbable appâtée par l’évènement : managers, escrocs et journalistes. Et puis l’amour pour Ali qui crève les lignes :
C’est toujours un choc de le revoir. Non pas “live”, comme à la télévision, mais bien vivant en face de vous, au mieux de sa forme. À cet instant, le Plus Grand Athlète du Monde court le danger d’être aussi le plus beau mâle que nous ayons et le vocabulaire de l’afféterie se profile à l’horizon, inévitable : la respiration des femmes “s’accélère”, les hommes “baissent les yeux” devant ce nouveau rappel de leur petitesse. Même s’il n’ouvrait jamais la bouche pour troubler les strates gélatineuses de l’opinion publique, Ali inspirerait cependant l’amour et la haine, car il est le prince du Ciel, ainsi que le proclame le silence qui s’établit autour de son corps quand il irradie.
Saluons la courageuse entreprise de l’auteur qui tente de suivre le champion dans un footing nocturne. Une tentative vite abandonnée en raison d’une condition physique suspecte et de quelques verres coupables.
La description du combat occupe un tiers du livre. Elle est plus longue à lire que le combat à se dérouler, assume Mailer. Disons que le jeu en vaut la chandelle.
Lire aussi : S’il ne fallait en lire qu’un, ce pourrait bien être The Fight de Norman Mailer et Mike Tyson par Norman Mailer
Bill Cardoso, KO à la 8e reprise
Bill Cardoso était, lui aussi, à Kinshasa. Il en a tiré KO à la 8e reprise, un long reportage gonzo sur cinquante jours et surtout cinquante nuits de picole et de ganja. Il y a aussi l’autre combat, celui qu’il livre contre l’administration zaïroise de Mobutu, particulièrement obtuse. C’est le New Times qui avait envoyé Cardoso à Kinshasa. Le journal n’a jamais diffusé le travail commandé.
Pour la petite histoire, un autre des pères du gonzo était à Kinshasa. Sauf qu’à l’heure du combat Hunter S. Thompson planait, nu comme un ver, dans la piscine de son hôtel. Trop défoncé.
Lire aussi : Hunter S. Thompson sur Mohamed Ali
Frédéric Roux, Alias Ali / La classe et les vertus / Lève ton gauche ! / Comptés debout
Frédéric Roux a démonté et remonté quelques milliers de points de vue, souvent contradictoires, sur la vie et l’œuvre du champion. Un livre dans lequel cette grande gueule d’Ali ne l’ouvre pas. Ce sont ses partenaires, adversaires, entraîneurs et amis, mais aussi les journalistes, managers, écrivains, hommes politiques qui le racontent et dessinent dans le même temps une histoire politique des Etats-Unis.
Lire aussi : Frédéric Roux sur Ali et son livre « Alias Ali »
Plus classique, La classe et les vertus nous renvoie au 6 avril 1987, date du match opposant Marvin Marvelous Hagler et Sugar Ray Leonard pour le titre des moyens. La classe, c’est Leonard. Les vertus, Hagler. La suite ? Dans le bouquin.
Lire aussi : Frédéric Roux sur « La classe et les vertus »
Paru en 1983, Lève ton gauche ! est réédité chez l’Arbre Vengeur qui fait coup double en sortant également Comptés debout, un recueil de brèves de ring tragicomiques dûment compilées par l’auteur. On est très loin d’Hollywood, des casinos, des starlettes, des paillettes et de tout le tralala. Ici, c’est la boxe, la vraie. Celle des coups trop large et des coups de plumeaux. C’est la boxe qu’a connue Frédéric Roux pendant ces années à s’entraîner avec José qui a les cheveux longs, Durandal qui est un sale con et Rachid qui a eu quatorze ans en 1960. Il n’y a pas trente-six écrivains français qui s’intéressent à la boxe et écrivent sur « la peur, le courage, ce que veut dire d’être un homme, le monde et ses ombres ». Celui-ci est sans doute « l’un des plus injustement méconnus de sa génération ».
Lire aussi : FOUDROYANT come-back de Frédéric Roux avec « Lève ton gauche ! » et « Comptés debout »
W.C.Heinz, Ce que cela coûte
« Le seul roman bon roman que j’ai lu à propos d’un boxeur, et un excellent premier roman tout court, » dixit Ernest Hemnigway. L’histoire est relativement simple. Un vieux routier du journalisme sportif, Frank Hugues, plume agile et bonne descente, comme de juste, s’invite dans le camp d’entraînement du boxeur Eddie Brown. Le programme est énoncé de façon cristalline : « Je vais juste observer Eddie et les gens autour de lui, voir ce qu’il fait, écouter ce qu’il dit. Je veux écrire quelque chose qui permettra au lecteur de comprendre, ou en tout cas de mieux percevoir, tout ce que vit un boxeur. » Le résultat est franchement réussi.
Lire aussi : W.C. Heinz, Ce que cela coûte : « Le seul roman bon roman que j’ai lu à propos d’un boxeur », dixit Hemingway
George Plimpton, Shadow Box
Que se passe-t-il quand un écrivain efflanqué au nez fragile affronte un boxeur professionnel ? En 1977, George Plimpton, légende de la presse américaine, âgé de cinquante ans, est sur le point de trouver la réponse. Son insatiable curiosité et son goût pour l’immersion de haut vol le poussent à grimper sur le ring face au champion du monde poids mi-lourd, Archie Moore pour un combat en trois rounds. Journaliste amateur armé d’autant de courage que d’autodérision, il raconte ses trois mois d’entraînement avec humour et force détails, de ses premiers cours de boxe aux éblouissements du combat, « un homme face à un autre dans la configuration la plus élémentaire ». Passé le baptême du feu, il poursuit son incursion dans le monde de la boxe suivant Mohamed Ali jusqu’au Zaïre pour assister au fameux Rumble in the Jungle. À lire en anglais dans le texte ou en français grâce aux éditions du sous-sol.
Nick Tosches, Night Train
Nick Tosches reconnaît en Sonny Liston « le plus redoutable des hommes, le plus invincible des boxeurs poids lourds ». C’est surtout un drogué notoire, ancien taulard et homme de main de la pègre. Un type dont la vie a commencé dans les ténèbres puis n’a eu de cesse de s’y enfoncer. Glaçant.
Lire aussi : Sonny Liston, la boxe, la brute et les truands
Jake LaMotta, Raging Bull
Rares sont les autobiographies de boxeurs dignes d’être sauvées des eaux. Celle de Mike Tyson (Tyson, la vérité et rien d’autre) a du punch mais finit par tourner en rond. Raging Bull de LaMotta boxe dans une autre catégorie. Le tombeur de Marcel Cerdan raconte tout : son enfance, la maison de correction, la prison, la boxe, la mafia, le succès et la chute. Une histoire qui valait bien un film de Scorsese avec Robert DeNiro. Sauvage.
Hurricane Carter, 16ème round
En 1974, Rubin « Hurricane » Carter, ancien challenger au titre des moyens (28 victoires dont 19 KO pour 12 défaites), publie son autobiographie : Le 16ème round. Cela fait huit ans qu’il moisit derrière les barreaux, accusé avec son compère John Artis, du meurtre de trois blancs dans un bar de Patterson survenu en juin 1966. Les deux hommes ont beau nier mordicus et dénoncer une décision de justice qui leur ferait porter le chapeau en raison de leur couleur de peau, rien n’y fait. Cet imposant pavé, plus brut de décoffrage tu meurs, est une sorte de bouteille à la mer. Elle parviendra à Bob Dylan. Quelques mois plus tard, le roi de la folk rencontre l’ancien champion au parloir du pénitencier de Rahway, à Woodbridge, New Jersey. Un coup de foudre mutuel. Dans la foulée, Bob Dylan écrit « Hurricane » et remet l’affaire sur le devant de la scène.
Lire aussi : Hurricane Carter : le bouquin, la chanson, Bob Dylan
Mike Tyson, La vérité et rien d’autre
Complètement hallucinant d’honnêteté et de premier degré. Le mec ne se cherche pas d’excuses et déballe tout sur son enfance picaresque de brooklynite introverti, son ascension des débuts, les relations père-fils avec Cus d’Amato et arnaqueur-pigeon avec Don King, les excès – filles, cocaïne, inconvénients de posséder des tigres domestiques, virées imprévues chez des dictateurs – et le chaos de l’après-boxe. Difficile de ne pas éprouver de compassion pour le bonhomme, qui en a fait un spectacle de stand-up et à qui on souhaite de stabiliser sa sortie d’enfer.
Teddy Atlas, From the streets to the ring: a son’s struggle to become a man
S’il y en a un qui a bien connu Mike Tyson, c’est Teddy Atlas. Après l’avoir entraîné pendant plusieurs années sous la houlette de leur père putatif commun, Cus D’Amato, il a fini par lui coller un calibre sur la tempe, scellant ainsi la fin de son séjour à Catskills. Dans ses mémoires, Teddy Atlas se dévoile en dur hyper-sensible, petite frappe sauvée par la boxe, prêt à tout pour attirer l’attention de son père, un médecin immigré qui passe plus de temps auprès de ses malades qu’avec sa famille. Comme Teddy, qui s’engage corps et âme aux côtés d’un Michael Moorer, par exemple ? Quoi qu’il en soit, celui qui se présente désormais comme un teacher, dévoile page après page une philosophie à la fois très américaine et teintée d’existentialisme : la moindre de nos actions contribue à définir ce que nous sommes. Ça fait beaucoup de pression sur un ring, mais la lecture du bouquin est particulièrement stimulante.
Roland Passevant, Boxing Business
Roland Passevant a été journaliste puis chef du service des sports à L’Humanité. Pendant des années, il a enquêté sur le « Boxing Business » c’est-à-dire sur les magouilles régissant le milieu de la boxe. Avec une mission : protéger la santé des boxeurs, ces éternels dindons de la farce.
A son actif également, une belle enquête sur la famille Cerdan (Les Cerdan).
Lire aussi : Vous allez tomber de votre chaise en lisant « Boxing Business » de Roland Passevant
Julio Cortazar, Torito
Le fantastique Julio Cortazar suivait quotidiennement la boxe. Pas étonnant que le destin de son compatriote Justo Suarez l’ait inspiré :
Justo Suarez était un boxeur éblouissant… Quand j’étais adolescent ou même un peu plus vieux, l’irruption en Argentine de Justo Suarez, le « Torito de Mataderos » , a été un véritable bouleversement. C’était un boxeur extraordinaire. Suarez était brillant, spectaculaire et profondément sympathique. Il avait un rapport très facile avec les gens. Curieusement, il a lui aussi fini par perdre aux Etats-Unis, comme je le raconte dans Torito. Sa fin a été absolument tragique. Abandonné de tous après sa défaite, il est mort tuberculeux dans un hôpital de province, à Cordoba. Sa mort m’a vraiment marqué. Je ne ratais pas un seul de ses combats. Un jour, alors que je vivais encore à Paris, tout m’est revenu d’un coup et je me suis immédiatement assis devant la machine à écrire. En deux heures, j’ai écrit un conte, avec des informations très précises sur ses combats dont je me souvenais pour l’avoir suivi tout au long de sa carrière. Pendant deux heures, j’ai été Justo Suarez et j’ai écrit comme un boxeur.
Torito fait partie du recueil de nouvelles Fin d’un jeu. Mentionnons aussi Le soir de Napoles, une histoire politique avec le combat Monzon–Napoles en toile de fond. A découvrir dans Façons de perdre.
Lire aussi : Cortazar et la boxe
Alberto Salcedo Ramos, L’or et l’obscurité
Le journaliste Alberto Salcedo Ramos est un as de la crónica ou du journalisme narratif. Dans L’or et l’obscurité, résultat de deux ans d’enquête, il part sur les traces du grand champion colombien Antonio Cervantes, mieux connu sous le nom de Kid Pambelé. Celui que Gabriel García Márquez qualifiait « d’homme le plus connu de Colombie » a tout connu : la gloire puis la ruine, l’alcool et la folie. Brûlant.
Lire aussi : Il faut lire L’Or et l’Obscurité d’Alberto Salcedo Ramos
David Fauquenberg, Mal Tiempo
La rencontre entre un entraîneur français en fin de parcours et un poids lourd cubain de 22 ans. Ce jeune prodige « a un truc qui ne s’apprend pas : toujours le bon tempo. Il ne fait presque rien, il donne l’illusion d’être lent mais rien qu’avec ses appuis et ses feintes, il leur fait perdre les pédales ». Un peu comme Fauquenberg, qui a su trouver le bon rythme pour raconter la boxe, Cuba et son protagoniste, Yoangel Corto, qui ne boxe que « pour lui ». Envoûtant.
Patrice Lelorain, Quatre uppercuts
Retour en France avec ces quatre nouvelles épatantes de Patrice Lelorain, par ailleurs auteur d’un bouquin sur Mohamed Ali (La légende de Mohamed Ali) pas encore lu. Dans Quatre uppercuts, on retrouve toute une cohorte d’âmes damnées qui fleurent bon les années quatre-vingt-dix : Aldo Grosso, Pierre Lorcy, Frank Winterstein, le père et le fils Chanet, Yacine Kingbo, Antoine Palatis, Cyril Seror, le coach marseillais Jean Molina, Jo Siluvangi et David Thio. Sans oublier Louis Acariès, sa femme ainsi que les ombres de Jean-Marc Mormeck et Brahim Asloum. Des histoires d’ici et un fil rouge : la différence entre un destin de champion ou de soutier des rings est tragiquement mince.
Lire aussi : Vous allez prendre une bonne baffe en lisant « Quatre uppercuts » de Patrice Lelorain
F.X. Toole, Coup pour coup
Pendant la seconde moitié de sa vie, F.X. Toole a officié comme soigneur et entraîneur de boxe. D’où le recueil de nouvelles La brûlure des cordes dont Clint Eastwood a tiré Million Dollar Baby pour le porter à l’écran. Cela dit, ma préférence va à son roman posthume, Coup pour coup. Une histoire de destins croisés et fracassés. Poignant.
Henri Decoin, Quinze rounds
Henri Decoin a été sportif de haut niveau, héros de guerre, patron de salles de boxe et de journaux et cinéaste de renom. Il n’a écrit qu’un livre, mais c’est un vrai livre de boxe : le récit halluciné d’un homme, devenu fou, qui revit sans fin le calvaire de son dernier combat, celui de trop, celui dont on ne se remet pas. C’est peu dire qu’il ne se fait pas d’illusion sur la boxe. Pour lui, le métier de boxeur, pour fascinant qu’il soit, est un métier douloureux, difficile, proche de la boucherie. Le lecteur est invité à en faire l’expérience en entrant dans la tête du boxeur pour vivre son combat par procuration.
Bienvenue en enfer.
Lire aussi : Henri Decoin nous en met plein la gueule pendant QUINZE ROUNDS
Elie Robert-Nicoud, Scènes de boxe
Le père d’Elie Robert-Nicoud était boxeur professionnel. Il a toujours refusé que son fils l’imite. Trop risqué. Trop impitoyable, la boxe. La pilule n’est jamais vraiment passée. On le sent au fil de cette déclaration d’amour à ce sport cruel. Robert-Nicoud décortique à merveille le danger qu’il y a à mêler la relation père-fils aux activités du ring. Les pères seraient les derniers à jeter l’éponge, trop occupés à vivre leur rêve de boxeur raté à travers le fils qu’ils envoient au casse-pipe. Mention spéciale aux pages lumineuses sur les boxeurs juifs américains.
Bonus : notre intervention conjointe à L’oeil du Tigre sur France Inter.
Ring Lardner, Champion
C’est l’histoire de Midge Kelly, l’un des plus grands boxeurs que l’Amérique ait jamais produit. Sauf que Midge est un salaud doublé d’un ingrat capable d’allonger sa propre mère et son frère infirme. Alors on réécrit l’histoire. On raconte au public ce qu’il a envie d’entendre : une success story à l’américaine. Lardner y va au lance-flamme pour dénoncer l’hypocrisie du milieu.
Lire aussi : CHAMPION, Ring Lardner met les poings sur les i
Hugh McIlvanney, On Boxing
Honnêtement, les compilations d’articles de presse ne sont pas vraiment ma tasse de thé. Je préfère les lire au fil de l’eau plutôt que dans un gros pavé de plus de quatre-cent pages. Oui mais voilà le talent de Hugh McIlvanney justifie qu’on s’y colle. Le bonhomme a couvert les plus grands combats du boxing game de Muhammad Ali vs. Henry Cooper (1966) à Mike Tyson vs. Evander Holyfield II (1997) soit trente ans de sueur et de sang avec une attention toute particulière portée aux champions britanniques. Et une obsession : comment justifier une telle fascination pour un sport aussi cruel ?
Lire aussi : FULGURANT : McIlvanney On Boxing
William Hazlitt, Le combat
William Hazlitt rend compte du combat de bare-knuckle boxing opposant William Neate à Thomas « le Gazier » Hickman le 11 décembre 1821 sur une pelouse d’Hungerford. Une sorte de reportage gonzo avant l’heure.
Lire aussi : Le combat de William Hazlitt est sans doute le premier reportage gonzo sur la boxe
Louis Hémon, Battling Malone, pugiliste
A Londres, les Lords se plaignent de la domination des Français sur la boxe anglaise. Il leur faut un champion capable de les mettre en déroute. Ce sera Patrick Malone, un jeune voleur de la working class irlandaise émigrée dans la capitale anglaise. Typical.
Lire aussi : Battling Malone, pugiliste de Louis Hémon
Stéphane Hadjeras, Georges Carpentier, l’incroyable destin d’un boxeur devenu star
La France a un problème avec la mémoire de ses grands boxeurs. Carpentier ? Aux oubliettes. Cerdan ? Coincé dans les pages people à cause de son idylle (très surcotée) avec Edith. Le Grand Georges a pourtant incarné la France de la Belle Epoque. Tout à tour « Vengeur de Waterloo » puis champion de la Vieille Europe… C’est peu dire que ses combats ont débordé des cordes du ring. Oui, mais voilà, dans notre beau pays, le sport lutte toujours pour être considéré comme un fait culturel digne de ce nom. « Un historien qui s’intéresse au sport, c’est un prof de gym amélioré », déplore Stéphane Hadjeras, auteur d’une biographie sur Carpentier. Monumental.
Lire aussi : DISCUSSION FLEUVE avec Stéphane Hadjeras, auteur d’une biographie monumentale sur Georges Carpentier
Jean-Marie Bretagne, Battling Siki
Jean-Marie Bretagne a résidé à Saint-Louis du Sénégal, la ville natale de Battling Siki. Il a donc mené l’enquête sur ce boxeur au parcours surprenant : embarqué pour l’Europe alors qu’il n’avait que huit ou neuf ans, abandonné à son sort dans les rues de Marseille, boxeur de foire, tirailleur lors de la Première Guerre mondiale, vainqueur surprise de Georges Carpentier avant de finir assassiné à New York une nuit de décembre 1925. Epique.
Pierre Hanot, Gueule de fer
La gueule, Criqui, titi parisien, boxeur pro à 17 ans, champion de France des mouches en 1912, aurait pu se la faire casser sur le ring. Mais comparé à l’enfer de la guerre, les coups de poings gantés passeraient presque pour de gentilles caresses. En mars 1915, le trouffion Eugène Criqui encaisse une balle explosive en plein dans le buffet Mâchoire brisée. Partie du visage arrachée. Plaque de fer greffée. A la surprise générale, Criqui reprend la boxe dès 1917. Six ans plus tard, le 2 juin 1923, il remporte le titre de champion du monde à New York, devenant le deuxième français après Georges Carpentier à réaliser un tel exploit. Chapeau à Pierre Hanot qui a sorti le poilu Criqui des tranchées de l’histoire pour raconter sa vie sens dessus-dessous.
Lire aussi : GUEULE DE FER : Pierre Hanot raconte Eugène Criqui, gueule cassée et champion du monde
Harry Crews, Le Roi du KO
L’histoire d’Eugene Biggs, ancien boxeur affligé d’un menton de verre. Le moindre coup l’envoie au tapis pour le compte. Ce qui ne l’empêche pas de chercher à gagner quelques ronds avec la boxe en s’auto-administrant des KO fulgurants devant la bonne société de La Nouvelle Orléans. Par le grand Harry Crews, l’un des rois du roman noir américain.
Lionel Froissart, Les boxeurs finissent mal… en général
Le titre résume à merveille les douze portraits de boxeurs réalisés par Lionel Froissart. Mention spéciale au chapitre sur Christophe Tiozzo :
Parfois Christophe se dit que la boxe c’est vraiment un truc de lopette : sauter à la corde, se regarder faire des jolis gestes dans une glace et surveiller son poids comme une gonzesse.
Lire aussi : Les boxeurs finissent mal… en général
Alban Lefranc, Le Ring invisible
Alban Lefranc fait corps avec Ali. Oui, mais pas n’importe lequel : Ali avant Ali. Celui qui cherche sa voie (sa voix ?), celui qui se construit un corps. Avant d’écrire sa légende dorée. Ali était un homme libre, alors l’écrivain prend lui aussi des libertés. Il lie ainsi la genèse du champion avec l’assassinat du jeune Emmett Till, battu à mort pour avoir regardé dans les yeux la femme blanche qui tenait l’épicerie où il était entré un jour de 1955. Un pari réussi.
Jacques Henric, Boxe
Au départ, Jacques Henric avait prévu de suivre Jean-Marc Mormeck à Kinshasa où l’ancien champion des lourds-légers souhaitait remettre son titre en jeu. Un remake du match du Ali-Foreman rapidement tombé à l’eau. Sauf que l’écrivain n’a pas raccroché les gants pour autant. La preuve avec Boxe, un essai foisonnant sur ce sport étonnant.
Lire aussi : Vous allez me faire le plaisir de lire « Boxe » de Jacques Henric
Daniel Rondeau, Boxing-Club
Le Boxing-Club, c’est celui d’Epernay, admirablement dirigé par l’ancien pro Jérôme Vilmain, qui a sorti des champions comme Jean-Michel Hamilcaro et Amira Hamzaoui. Daniel Rondeau, Jérôme Vilmain et le Boxing-Club, c’est l’histoire d’une belle rencontre. Et un beau livre.
Eduardo Arroyo, Panama Al Brown
S’il y a bien un boxeur qui n’a pas volé son livre, c’est Panama Al Brown. Le racisme aux Etats-Unis, Paris la nuit, Jean Cocteau, le champagne, l’opium, les garçons, les succès et la chute… Il a tout connu. Un parcours fascinant croqué par le peintre espagnol Eduardo Arroyo.
Philippe Aronson, Un trou dans le ciel
Philippe Aronson prend la plume pour faire parler Jack Johnson à la première personne. Ça tombe bien, le premier Noir champion du monde des lourds a beaucoup de choses à dire. Epatant.
Lire aussi : Un trou dans le ciel, Philippe Aronson rend un bel hommage à Jack Johnson.
Arthur Cravan, pour l’ensemble de son œuvre
Arthur Cravan n’a quasiment rien écrit sur le sujet mais parler de boxe et de littérature sans l’évoquer serait une faute de goût. Au palmarès de ce poète coup de poing : avoir tenu six rounds contre l’ancien champion des lourds Jack Johnson sur un ring de Barcelone. Un personnage qui a inspiré Philippe Dagen. Son Arthur Cravan n’est pas mort noyé imagine ce qui serait advenu du neveu d’Oscar Wilde s’il n’avait pas disparu dans les eaux du Golfe du Mexique.
Charles Bukowski, Le Perdant
Bukowski n’a disputé aucun combat officiel mais il a écrit quelques poèmes (Le Perdant) et passages brillants sur la boxe (dans Hollywood et Le retour du vieux dégueulasse).
Antoine Sénanque, Jonathan Weakshield
A vrai dire, Jonathan Weakshield, n’est pas un livre sur la boxe. Cela dit, Antoine Sénanque, par ailleurs auteur d’un excellent article sur Fat City de John Huston, réserve une place de choix à la vérité des poings (Les épatantes scènes de boxe du « Jonathan Weakshield » d’Antoine Sénanque).
Davide Enia, Sur cette terre comme au ciel
Trois générations de Siciliens boxent leurs fantômes. Emouvant.
Lire aussi : Arrêtez-tout et lisez « Sur cette terre comme au ciel » de Davide Enia
Nicolas Zeisler, Beauté du geste
A force de lire des bouquins sur la boxe, j’ai fini par en écrire un, moi aussi : Beauté du geste ou le portrait de trente-six figures mythiques de la boxe du vingtième siècle, de Jim Jeffries à Mike Tyson.
Cet article sera actualisé au fil de mes lectures. N’hésitez pas à me suggérer des titres de bouquins dans les commentaires.
NZ et AF