Saviez-vous que Jack Johnson était né John Arthur ? Voilà pour le mystère des « deux » Arthur qui, au-delà du prénom, ont partagé le ring des Arènes Monumental de Barcelone le 23 avril 1916 pour un combat que l’on pourrait qualifier de premier happening de l’histoire de l’art.
Nine Antico (scenario) et Grégoire Carlier (dessin) se sont attaqués aux destins croisés de ces deux hommes libres qui refusaient de se laisser enfermer dans des cases. Avec en point d’orgue le match mythique de Barcelone. En noir et blanc, comme de juste. Arthur Cravan et Jack Johnson étaient faits pour s’entendre : même goût pour le scandale, le champagne et les femmes. Et puis, ils avaient tous les deux besoin d’argent : Johnson pour financer son séjour européen, Cravan pour payer son billet de Transatlantique et mettre l’océan entre la Guerre et lui. Ce sont deux hommes en exil. Johnson est le premier noir champion du monde des lourds. Aux États-Unis, l’establishment ne lui pardonne pas d’avoir démoli à coups de poings le mythe de la supériorité physique de l’homme blanc. Sans compter ses multiples provocations et son goût pour les femmes blanches. Cravan, ancien champion de France amateur des mi-lourds sans donner un coup de poing, son adversaire ne s’étant pas présenté en raison d’une grippe, n’a, quant à lui, aucune envie de s’enterrer dans les tranchées. « Tous les deux étaient des affabulateurs et ils avaient aussi en commun l’art de se mettre en spectacle, de raconter et construire leur propre mythe », ajoute Nine Antico.
L’ironie est présente dès les premières planches ce qui tombe bien, le duo ayant passé sa vie à démonter l’esprit de sérieux. La représentation du combat, exercice casse-gueule par excellence, est une grande réussite. « Il y a dans la chorégraphie du combat, quelque chose de très bandant », déclare Nine Antico. On sent que l’autrice n’a pas boudé son plaisir. Mention spéciale à la construction du récit en symétries contraires qui fait de Cravan et Johnson des frères. Nine Antico : « Au départ, il y avait une intuition, celle de ce chassé-croisé entre celui qui fuit l’Amérique et celui qui s’y réfugie. L’idée un peu schématique du Noir qui se prenait pour un Blanc, et d’un Blanc qui se prenait pour un Noir ». Toujours sur ces deux hommes qui ne militaient que pour leur propre cause : « Ce que j’ai surtout voulu mettre en relief, c’est la quête de liberté, ce je-m’en-foutisme complet, l’insolence folle qui les caractérise tous les deux ». Mission accomplie.
Il était 2 fois Arthur sur le site de l’éditeur.
NZ