Mordu. Il faut l’être pour se lever tous les matins à 4h30, s’enfiler trois œufs au plat, du porridge et une saucisse avant d’aller soulever de la fonte pendant deux ou trois heures, à cinquante ans bien tapés. Pas évident de se défaire de ces bonnes vieilles habitudes.
Redevenir champion du monde des lourds. Pour la cinquième fois. Coûte que coûte. C’était ton idée fixe.
On avait bien essayé de t’enterrer. En 1994, on t’avait même diagnostiqué une maladie cardiaque. Tu t’étais arrêté un an, avant de revenir avec une drôle d’idée en tête : Mike Tyson.
Contrairement à Berbick, Tucker ou Spinks, déjà battus avant même le premier coup de gong, Mike ne t’avait jamais fait trembler. Vous vous étiez croisés en amateurs, à plusieurs reprises, lui en lourds, toi en lourd-légers. Puis, vous vous étiez perdus de vue. Jusqu’en 1996.
Personne ne misait un dollar sur toi. Tu venais de prendre une peignée contre Riddick Bowe et de piocher pour battre l’obscur Bobby Czyz. Mais tu avais bien préparé ton affaire. Plus que Tyson, à coup sûr. Un douze rounds fait rarement bon ménage avec la taule, les nanas, la blanche et la boisson. KO technique à la onzième reprise. Les bookmakers en ont perdu leur latin.
Quelques mois plus tard, pour la revanche, ça avait été la même limonade. Tu avais empoché les deux premières reprises, facile. À quarante secondes de la fin de la troisième, fou de rage, Mike t’avait attrapé l’oreille avant d’en recracher un morceau sur le tapis du ring. Panique générale. Combat interrompu.
Il en fallait plus pour te faire sortir de tes gonds. Le combat avait repris, ton entreprise de démolition s’était poursuivie, avant qu’une seconde morsure ne mette un terme à la mascarade.
Pendant que l’image de ton oreille mutilée faisait le tour du monde, tu avais continué ton petit bonhomme de chemin. En 1999, l’Anglais Lennox Lewis avait dû s’y reprendre à deux fois pour t’enlever tes ceintures de champion du monde des lourds. On t’avait alors prié de raccrocher les gants. Il t’a fallu quinze ans pour t’y résoudre.
Tiens, voilà le réveil qui sonne. Il est 4h30. C’est ton jour de chance papy, il reste trois œufs au fond du frigo.
NZ