La nouvelle Champion a été publiée pour la première fois en 1916 dans le Metropolitan Magazine de New York. Son auteur, le bien nommé Ring Lardner, ami de Francis Scott Fitzgerald, est considéré comme l’un des meilleurs journalistes sportifs américains de la première moitié du vingtième siècle. Et c’est vrai que sa nouvelle est bien troussée, dans un style rugueux qui annonce celui d’Ernest Hemingway.
C’est l’histoire de Midge Kelly, l’un des plus grands boxeurs que l’Amérique ait produit. Il a de la dynamite dans les poings. Il ne connaît ni le doute ni la peur. Ses rivaux tombent comme des mouches. La presse est ravie. En somme, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Sauf que Midge est un sale type, une enflure, un beauf, un égoïste doublé d’un ingrat capable d’allonger sa propre mère et son frère infirme. Même sa femme n’échappe pas à la distribution de bourre-pifs, avant de se faire jeter comme une vieille chaussette.
Journalistes, public, managers, boxeurs…tout ce petit monde détourne pudiquement le regard. C’est que Midge fait vendre. Pas question de se priver des services d’une telle vache à lait. Alors on réécrit l’histoire. On raconte au public ce qu’il a envie d’entendre : une success story à l’américaine. Lardner y va au lance-flamme pour dénoncer l’hypocrisie du milieu.
Dans ce torrent d’ordure, quelques phrases puent délicieusement la boxe :
Cross était l’adversaire idéal, et l’ardeur qu’il mettait à arrêter des gants de boxe avec ses yeux, ses oreilles, son nez et son cou lui permettait depuis longtemps d’échapper à l’horreur d’une vie de labeur honnête.
NZ