Le 1er octobre 1975, à Manille, Mohamed Ali et Joe Frazier s’affrontent pour la troisième fois. En 1971, Smokin’ Joe a été le premier homme à battre Ali. En 1974, ce dernier a pris sa revanche, déclaré vainqueur par les juges au terme de douze rounds disputés. Les deux hommes prétendent avoir remporté les deux combats et se vouent une haine farouche.
LE COMBAT LE PLUS VIOLENT
Leur animosité accouche, aux Philippines, du combat le plus violent de l’histoire de la boxe.
A son coin, Ali confie : « Vous aurez jamais vu la mort d’aussi près » tandis que quelques années plus tard, Frazier déclare : « C’était pas un combat, c’était la guerre« .
L’extrême violence qui se déploie ce soir-là n’est pas le fruit du hasard. Les destins des deux hommes se sont croisés plusieurs fois, pour le meilleur et pour le pire.
Ils ne se sont pas toujours détestés. Quand, en 1967, le plus célèbre objecteur de conscience de la guerre du Vietnam perd son titre de champion du monde et sa licence, Joe Frazier prend immédiatement sa défense. Jusqu’en 1970, il ne cesse de soutenir celui qu’il a besoin de combattre et de vaincre pour valider son récent titre de meilleur lourd de la planète. Il lui donne de l’argent et plaide sa cause auprès du Président Nixon.
L’ONCLE TOM
Lorsqu’ils se retrouvent enfin sur un ring en 1971, Frazier est outré par l’ingratitude d’Ali. Ce dernier ne lui épargne rien : stupide, laid, Oncle Tom (!), gorille, les insultes fusent au gré de leurs retrouvailles jusqu’en 1974.
C’est un véritable massacre médiatique auquel se livre Ali qui ridiculise Frazier à chacune de ses apparitions publiques. Les enfants de Smokin’ Joe sont battus à l’école et les lettres de menace remplissent la boîte aux lettres familiale.
Si Ali méprise Frazier, Frazier hait Ali. Il s’est préparé comme jamais pendant qu’Ali papillonnait avec sa maîtresse dans les meilleurs hôtels de Manille.
THRILLA IN MANILA
Le combat a lieu à 10h du matin pour satisfaire les téléspectateurs américains. L’atmosphère est étouffante et saturée d’humidité alors que le thermomètre marque 52 °C !
Ali commence fort mais Frazier réplique et prend rapidement le contrôle du combat. Déchaîné, il tabasse son rival contre les cordes. Smokin’ Joe veut marquer Ali dans sa chair et vise délibérément les organes vitaux, le foie et les reins. La violence est totale. Les deux hommes se rendent coup pour coup.
Au 13ème c’est la stupeur : Ali martèle le visage de Frazier. Personne ne le sait mais le natif de Beaufort, Caroline du Sud, est quasiment aveugle de l’oeil gauche suite à un accident survenu à l’entraînement alors qu’il n’était qu’un jeune professionnel. Or, les directs d’Ali lui ferment dangereusement l’oeil droit. Lassé de voir son boxeur encaisser des coups qu’il ne voit même pas arriver, son entraîneur, Eddie Futch, l’oblige à arrêter le combat à l’appel de la quinzième et dernière reprise. Frazier est furieux d’autant que son vainqueur s’évanouit quelques secondes plus tard.
Lorsqu’il reprend ses esprits Ali quitte le ring sans fanfaronnades et s’excuse d’avoir tant critiqué et provoqué Frazier. En vain. Des années plus tard, Frazier – faisant référence à l’état de santé de son vieil ennemi – lâche un cinglant : « C’est moi qui ai gagné le combat (…). Je parle, je marche. Je suis vivant !«
NZ