La boxe telle qu’on la connaît (…) descend uniquement des combats anglais à mains nues du dix-huitième siècle (…).
Le premier récit d’un pugilat à mains nues en Angleterre – qui opposa « le valet de pied d’un gentilhomme et un boucher » – date de 1681 et a paru dans une publication intitulée le London Protestant Mercury. Ces combats, dans lesquels les blessures et la mort n’étaient pas le but, étaient connus sous les appellations de « Prize Fight » ou de « Prize Ring » et constituaient un divertissement public itinérant, souvent associé aux foires de villages. Le ring était un espace mobile créé par les spectateurs qui formaient plus ou moins un cercle en tenant une corde ; le combat était une compétition volontaire entre deux hommes, généralement un « champion » et un « challenger » ; il n’y avait pas d’arbitre mais le combat était contrôlé par des règles rudimentaires de fair-play. Un défi était lancé à la foule par un combattant et ses complices et si un homme souhaitait le relever il jetait son chapeau dans le ring – d’où l’expression équivalente en politique anglaise, avec ses connotations belliqueuses – et le combat commençait. L’habitude était de parier sur l’homme qui le premier mettrait l’autre à terre ou qui verserait « la première goutte de sang ». Les coups irréguliers étaient bruyamment découragés par le public ; les lutteurs se serraient la main après le combat. Le « Noble Art », ainsi qu’on l’appelait alors, commença comme une sorte de divertissement vulgaire, mais il fut par la suite soutenu avec enthousiasme par des membres sportifs de l’aristocratie et des classes supérieures.
Le premier champion anglais de pugilat à mains nues, qui s’appelait James Figg, gagna cet honneur en 1719. Le dernier des champions de lutte à mains nues fut le poids lourd américain John L. Sullivan, dont la carrière – se déroulant approximativement de 1882 à 1892 – enjambe l’époque du combat à mains nues et celle du combat avec gants, tel qu’il fut établi selon les règles du Marquis de Queensberry, règles toujours observées, avec quelques modifications, de nos jours. Les changements les plus notables sont au nombre de deux : l’introduction des gants de cuir (avant tout pour protéger les mains et non le visage – les phalanges d’un homme se brisent facilement) et la présence d’un troisième homme sur le ring, l’arbitre, qui a le privilège de pouvoir arrêter le combat à sa discrétion, s’il pense qu’un boxeur n’a aucune chance de gagner ou ne peut se défendre contre son adversaire. Avec l’arrivée de l’arbitre, le côté brut du « Noble Art » cède sa place à la relative sophistication de la boxe.
Joyce Carol Oates, extrait de De la Boxe.
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