Le 4 juillet 1910, Jack Johnson, alors champion du monde des lourds, descendait James Jeffries en 15 rounds à Reno, Nevada.
100 ans après, cet évènement reste le plus parfait exemple des tensions raciales qui secouaient l’Amérique ségrégationniste d’alors.
En pleine ségrégation, donc, se dressait l’imbattable Jack Johnson, défi incarné à la théorie de la suprématie de l’Homme blanc. Il avait conquis le titre d’homme le plus fort du monde en 1908, en battant le Canadien Tommy Burns.
L’historien Geoffrey Ward rappelle à ce propos :
« En battant Burns, Johnson avait secoué les Blancs du monde entier. Souvenez-vous qu’à l’époque, le monde était entièrement dirigé par les Blancs. Ce type était une menace si effrayante que l’Empire britannique avait interdit la diffusion du film de son combat contre Burns. «
« Tout était remis en question. Si Johnson avait pu battre Burns, cela signifiait que les hommes noirs n’étaient pas intrinsèquement inférieurs aux hommes blancs. »
Pire, le natif de Galveston, Texas, se moquait royalement des mœurs de l’époque, menant une existence décousue où il ne dédaignait pas la compagnie de jeunes et jolies WASP (White Anglo-Saxon Protestant) de bonne famille.
James Jeffries, ancien champion du monde des lourds, invaincu mais retiré des rings depuis 6 ans, était chargé de mettre fin au scandale Jack Johnson. Pas très chaud pour remettre les gants, il avait été poussé par toute une communauté excédée qui avait fait de lui le « Great White Hope » (Grand Espoir Blanc), selon les termes de l’écrivain Jack London.
En vain : devant 20.000 spectateurs dépités, Jack Johnson, bien meilleur boxeur, douchait les espoirs de l’Amérique raciste en infligeant 3 KOs à son rival, poussant l’arbitre à arrêter le massacre.
Dans la foulée, des émeutes éclataient un peu partout dans le pays, les Blancs attaquant les Noirs à la joie trop démonstrative. Parfois la police empêchait les lynchages, parfois non.
Plus d’une vingtaine de personnes – des noirs – trouvaient la mort.
3 ans plus tard, les autorités obtenaient la peau de Jack Johnson, condamné pour proxénétisme. Le champion prenait alors le chemin de l’exil et menait une vie de bohème en Europe avant un retour au pays, en 1920, sanctionné d’une peine d’1 an de prison.
Le 4 juillet 1910, restera à jamais une date cruciale dans l’histoire des tensions inter-raciales aux États-Unis. Jack Johnson n’accordait pourtant que peu d’importance à la problématique des races. C’était un surdoué qui voulait simplement profiter de la vie à sa façon.
50 ans plus tard, apparaissait la figure de Muhammad Ali, autre champion poursuivi par les autorités de l’époque, aujourd’hui reconnu comme l’un des grands hommes du XXe siècle.
Johnson était moins politique qu’Ali, mais il eût l’incroyable courage d’imposer son mode de vie à une époque où il n’était même pas encore question de droits civiques.
Pour plus d’informations, lire l’article d’Étienne Moreau, Jack Johnson, l »‘impardonnable » couleur du premier champion du siècle.