Jacques Goldstein et Alex W. Inker viennent de sortir un roman graphique de haut vol aux éditions Sarbacane : Panama Al Brown, l’énigme de la force.
Al Brown, vous savez, ce boxeur panaméen qui avait fait la connaissance du poète Jean Cocteau en 1937 au Caprice viennois, à Montmartre. A l’époque, Cocteau était l’arbitre des élégances parisiennes. Al Brown était dans le creux de la vague : retiré de la boxe, il courait le cachet de chanteur, danseur et de musicien de jazz. Des cachets qui couvraient à peine ses dettes. La faute au champagne et à l’opium. Deux ans plus tôt, il avait perdu son titre contre l’Espagnol Balthazar Sangchili, empoisonné par son propre soigneur, lui-même soudoyé par l’organisateur.
Cocteau a eu une vision : homosexuel, opiomane, à la fois brillant et fragile, Al Brown était son double boxeur. Il est devenu son « manager poète » et a organisé son come-back : cure de désintoxication financée par Coco Chanel, camp d’entraînement et combats de reprise. Il en a fait le récit dans les journaux et dans ses cahiers.
Le 4 mars 1938, au Palais des Sports de Paris, Al Brown a retrouvé Balthazar Sangchili pour la revanche. Cocteau était au bord du ring et a assisté à la victoire de son protégé. C’était la fin de son « poème actif écrit à l’encre noire ».
L’histoire d’Al Brown ne commence ni ne se termine avec Cocteau. C’est tout l’intérêt de l’enquête menée par Jacques, le personnage de journaliste rondouillard et loser créé pour l’occasion par Alex W. Inker. Des bas fonds de Colon, Panama, à ceux de Harlem où Brown a misérablement fini ses jours, le lecteur remonte le temps à la recherche de ce boxeur au destin fracassé. Avec un dessin d’époque au poil, un jeu tout à fait astucieux avec la forme des cases de dessin pour que l’on s’y retrouve entre l’enquête journalistique et les apparitions du boxeur. Et un final en apothéose où le fantôme d’Al Brown revient mettre les coups de poing sur les « i ».
No regrets.
Panama Al Brown, Alex W. Inker aux éditions Sarbacane
NZ