Un entretien réalisé par Helmut Sorge et tiré du livre Greatest of all time, éditions Taschen, 2003.
Mr Foreman, Mohamed Ali souffre du syndrome de Parkinson…
Il souffre, oui, mais il continue à se battre. Pour moi, c’est un héros. Il le restera toujours.
Vous fait-il de la peine ?
Non. Je suis jaloux de lui, comme j’étais jaloux de lui il y a 30 ans. Quel homme ! Je me souviens de lui à Atlanta, allumant la flamme olympique d’une main tremblante. Comment ne pas admirer un homme pareil ? Il n’a pas couru et ne s’est pas caché, il a affronté le mal en face. Il est le plus grand athlète que j’ai rencontré.
Il y avait un temps où vous le haïssiez.
C’était parce que je voulais désespérément lui ressembler. Et je n’y arrivais pas. Montrez-moi un seul boxeur qui n’aimerait pas être admiré et respecté comme Mohamed Ali. Quand nous nous sommes affrontés en Afrique, j’étais incroyablement concentré, car je me disais que si je le battais tout ce respect et cette admiration allaient déteindre sur moi. J’étais confiant – très sûr de moi. Deux, trois rounds, puis ce serait fini.
Ses insultes ne vous ont pas agacé – par exemple, quand il a promis de « vous botter votre cul de blanc de chrétien » ?
Ali nie avoir dit cela. Et même s’il l’avait dit, cela ne m’aurait pas affecté. A cette époque je ne savais même pas ce que c’était que d’être chrétien. Je passais mon temps à taper sur des gens et à fuir les églises. Ce n’est qu’en 1977 que je suis devenu prêtre, l’année où j’ai arrêté la boxe une première fois.
Cela ne vous a pas dérangé que « Rumble in the Jungle » ait aussi été un coup de publicité pour le régime corrompu et répressif du dictateur Mobutu ?
J’y étais pour boxer, voilà tout. A l’époque, je ne connaissais rien à la politique. J’étais en Afrique pour une seule raison : battre Mohamed Ali.
Pour cinq millions de dollars.
Bien sûr. Pour lui et pour moi. Avant de signer les contrats, j’ai téléphoné à Ali qui m’a dit qu’il se chargeait personnellement de faire monter la sauce avant le combat, comme il le faisait toujours. Ca m’arrangeait. Je pouvais ignorer les médias et me concentrer sur ma préparation. Malheureusement, il y a eu un petit problème…
Une entaille au sourcil, qui a reporté le combat de cinq semaines – cinq semaines de plus en Afrique. Vous auriez préféré vous en passer ?
Tout à fait. Mais dès le début on nous a signifié qu’il était hors de question que nous rentrions. Ils disaient qu’on interpréterait cela comme un geste inamical. A certains moments, je me sentais prisonnier. En plus de cela, le sourcil endommagé m’empêchait de m’entraîner correctement, car la sueur s’infiltrait dans la coupure. Mais le fait de ne plus pouvoir m’entraîner ne me causait pas trop de souci, car j’étais extrêmement confiant. Je savais que j’allais allonger « The Greatest » dans la troisième.
Dans quelle mesure les provocations d’Ali vous ont-elles irritées avant même que les premiers coups aient été échangés ? Est-ce que cela vous a dérangé ?
Il disait des trucs comme : « J’ai été champion du monde des poids lourds quand tu étais encore un gosse à l’école. » Je me contentais de lui répondre : « Ferme-la et boxe. »