D’origine anglaise, Fabian Lloyd naît en 1987 à Lausanne. Il est le petit fils du Chancelier de la reine d’Angleterre et le neveu d’Oscar Wilde. De fine extraction, le gaillard n’en est pas moins solide avec un poids de forme de 105 kilos pour deux mètres de hauteur.
Les études et le conformisme de la société bourgeoise, très peu pour lui. Le jeune Fabian a la bougeotte : Etats-Unis, Italie, Allemagne avant de se fixer à Paris en 1909, pour quelques temps. Il se fait désormais appeler Arthur Cravan. Arthur pour Rimbaud, la Table Ronde et le Lord Arthur Savile d’Oscar Wilde. Cravan comme un clin d’œil au village d’origine de sa fiancée, Renée, qu’il a chipé au peintre Haydn. Cravan pour caravane. Ou pour sa version anglaise : lâche, abject. Arthur est un peu de tout ça à la fois.
A Paris, il fonde sa propre revue, Maintenant, dont il est l’unique contributeur et qu’il distribue dans une charrette de quatre saisons. Sa devise : « Tout grand artiste a le sens de la provocation ». Précurseur dans l’art du comportement, il bouscule la société par le scandale. À l’inverse des artistes de salon qu’il abhorre, Cravan ne produit pas ou peu, il se produit. Dans d’improbables conférences où il lui arrive de tirer des coups de pistolet en l’air avant de parler, de menacer de se dévêtir ou de se suicider. Sur le ring aussi où il devient vice-champion de France des Lourds. Cravan se soucie peu de la postérité. Il lui préfère l’adrénaline du combat ou du spectacle. Il est poète et boxeur, amateur de vitesse, à des années lumière de la figure du romantique tuberculeux. Bref, il introduit le coup de poing dans la lutte artistique.
Le provocateur toque à la porte d’André Gide. Lui confie à brûle pourpoint préférer la boxe à la littérature, et de beaucoup. Un dialogue de sourds, en somme. Les peintres du Salon des Indépendants, couverts d’insultes, en prennent eux aussi pour leur grade. Poursuivi pour diffamation, il signe ses réponses de la sorte : « Arthur Cravan, chevalier d’industrie, marin sur le Pacifique, muletier, cueilleur d’oranges en Californie, charmeur de serpents, rat d’hôtel, neveu d’Oscar Wilde, bûcheron dans les forêts géantes, ex-champion de France de boxe, petit-fils du Chancelier de la Reine, chauffeur d’automobiles à Berlin, cambrioleur etc, etc. » Tout est vrai ou presque.
Cravan ne tient pas en place : « Je me sens vraiment bien qu’en voyage ; lorsque je reste longtemps dans le même endroit, la bêtise me gagne. » Lorsque la Grande Guerre éclate, il ne se fait pas prier pour détaler. Il est dans les Balkans. Remonte en Europe de l’Est pour un combat de boxe qui n’a pas lieu. Puis rejoint Barcelone, où il défie le fameux Jack Johnson, champion du monde des lourds. Puis en Amérique du Nord et enfin au Mexique.
Cravan a 30 ans. Il survit en donnant des cours de boxe. Il combat sur la Plaza de Toros de Mexico. Il perd. Il épouse la poétesse Mina Loy. La met en cloque. L’envoie à Buenos Aires. Il doit la rejoindre. Cravan n’arrivera jamais. Il disparaît en mer ou plutôt disparaît tout court. Un mystère. La fin reste en suspens.
NZ