Faut bien l’avouer, la lecture de Quinze rounds – réédité avec panache par L’Arbre Vengeur – a été une divine surprise pour votre serviteur, qui n’est pas le dernier à déplorer la faiblesse de la littérature sportive tricolore (exception faite de Frédéric Roux et de quelques autres camarades listés ici).
Henri Decoin n’a écrit qu’un livre, mais c’est un vrai livre de boxe : le récit halluciné d’un homme, devenu fou, qui revit sans fin le calvaire de son dernier combat, celui de trop, celui dont on ne se remet pas.
Dans la préface, le fils de l’auteur explique que son père « alignait sur son carnet de reporter tous les mots susceptibles de traduire et de nuancer le son mat, enfoui des poings cognant les sacs de frappe, le tchoug-tchoug frénétique des poires de vitesse, l’alternance sifflement/frottement des cordes à sauter, le bruit de succion des lèvres autour des protège-dents ». En boxe, la crédibilité est une affaire de détails.
Henri Decoin ne se fait pas d’illusion sur la boxe. Pour lui, le métier de boxeur, pour fascinant qu’il soit, est un métier douloureux, difficile, proche de la boucherie. Le lecteur est invité à en faire l’expérience en entrant dans la tête du boxeur pour vivre son combat par procuration.
On l’oublie un peu vite mais les boxeurs sont des funambules qui dansent au-dessus du précipice :
Je pense donc au métier que j’exerce. Un sale métier. Il m’a donné des satisfactions, évidemment… Je suis riche, populaire et riche, mais ce soir je vais combattre un homme dur, encaisseur, cogneur, et sur la vingtaine de droites qu’il m’enverra à la pointe du menton, trois ou quatre arriveront à destination… Les encaisserai-je ? Feront-elles du dégât ?
Bienvenue en enfer.
Quinze rounds, Henri Decoin, aux éditions de L’Arbre Vengeur.
NZ